L'intestin : un deuxième cerveau et un carrefour immunitaire
Le Dr Seignalet a axé ses travaux sur le trouble de l’absorption de l’intestin grêle dû à un excès de perméabilité
Le système immunitaire est le plus complexe des appareils de notre organisme. Il est tellement élaboré qu’il n’est pas terminé à la naissance du nouveau-né. C’est la maman qui lui prête son immunité pendant plusieurs mois. Durant notre vie, nous serons soumis à diverses agressions que notre organisme devra combattre. Toutes les défenses naturelles seront sollicitées.
Le système immunitaire
L’organisme se défend contre une agression en premier lieu par une réaction inflammatoire, en produisant des anticorps (par des lymphocytes B) qui reconnaissent des antigènes précis ou en produisant des lymphocytes T tueurs qui ciblent les cellules infectées ou tumorales.
Selon l’intensité de l’agression, sa variété, sa durée, le système immunitaire dispose d’un ensemble de systèmes pour y faire face.
Le système TH1, système de réponse cellulaire
Les lymphocytes CD4 de type TH1 sécrètent de l’interleukine 2 et de l’interféron gamma.
Ce système de protection est essentiel contre les virus, les bactéries intracellulaires ou les cancers. Ses inconvénients se limitent à une inflammation et à une oxydation excessive.
En résumé, le TH1, c’est la police antivirale et antitumorale de l’organisme.
Le système TH2, système de réponse humorale
Les clones TH2 sécrètent des interleukines 4, 5, 10 et 13 qui stimulent les lymphocytes B producteurs d’anticorps. Ces anticorps vont soit se fixer sur les antigènes et favoriser leur destruction ou celle des cellules qui les portent, soit déclencher des allergies.
Ce système de défense est essentiel contre les toxines, les bactéries et les parasites.
Le système TH3, aberrant et pourvoyeur d’auto-immunité
Les cellules TH3 agressent les cellules “du soi” et induisent l’autodestruction des organes : c’est l’auto-immunité avec le développement du diabète, de la polyarthrite rhumatoïde, du lupus érythémateux. On pense de plus en plus que des maladies telles que l’athérome, la sclérodermie ou l’arthrose, la maladie d’Alzheimer et beaucoup d’autres sont également des maladies auto-immunes. On identifie plus de 60 maladies auto-immunes.
En résumé, le TH3, c’est l’anarchiste destructeur dans un état sans police (TH1). Il faut augmenter la police (TH1) pour que l’ordre revienne !
Le système immunitaire digestif
Une flore intestinale équilibrée est l’appui idéal du système immunitaire. Les bactéries commensales bénéfiques de l’intestin garantissent la production correcte de cellules immunitaires et d’immunoglobulines. Elles garantissent surtout l’équilibre immunitaire. Un des phénomènes typiques chez une personne ayant une dysbiose intestinale est le déséquilibre des deux appuis majeurs du système immunitaire TH1 et TH2 : TH1 sous-actif et TH2 suractif. En conséquence, le système immunitaire s’emballe face aux stimuli de l’environnement, sur un mode allergique en présence d’intolérance alimentaire.
La perméabilité digestive provient d’une inflammation intestinale avec passage de fragments d’aliments entre les cellules de l’épithélium intestinal. Des réactions anticorps vis-à-vis d’aliments surviennent et peuvent déclencher des réactions très variées.
Tous ces systèmes interréagissent et quand le système immunitaire est débordé, on voit l’apparition de maladies auto-immunes
Les maladies auto-immunes représentent aujourd’hui la troisième cause de maladies après les maladies cardio-vasculaires et les cancers. Nous suspectons qu’elles seraient liées à notre mode de vie, mais plusieurs hypothèses émergent. Il reste à trouver la parade, car elles donnent lieu à des pathologies chimiques redoutables.
La médecine chimique officielle est inopérante
Notre système immunitaire est chargé de nous défendre contre les agressions extérieures : bactéries, cellules anormales, toxiques… Il a pour fonction de faire la distinction entre le “soi” et le “non-soi”. Quand tout marche, c’est une machine admirable qui remplit bien son rôle. Mais parfois il lui arrive de se tromper (ou d’être trompé) et il se met à cibler des anticorps contre ses propres organes ou tissus. On parle alors d’auto-anticorps qui agressent et dégradent le tissu ou l’organe visé. C’est ainsi que s’enchaîne une litanie de dégradations créant de graves lésions de l’organe et de l’organisme et un chambardement de certains métabolismes. Cette viciation induit un ensemble de troubles qui sont réunis sous la domination générale de maladies auto-immunes.
La piste génétique
Aujourd’hui, on s’oriente vers la piste génétique ou les anomalies du système HLA (antigène situé sur les tissus).
Toutefois on évoque plutôt les prédispositions génétiques, car leur présence ne signifie pas systématiquement une maladie auto-immune.
C’est ainsi qu’on identifie beaucoup plus de maladies hétéro-immunes et xéno-immunes.
La piste intestinale
Le Dr Seignalet a axé ses travaux sur le trouble de l’absorption de l’intestin grêle dû à un excès de perméabilité.
La membrane intestinale devenue poreuse laisse passer des débris alimentaires et des toxines en tout genre qui contaminent l’ensemble de l’organisme et génèrent une intoxication générale. D’autres éléments agressifs étrangers seront des cofacteurs de la maladie auto-immune : le stress, l’abus de médicaments (antibiotiques, anti-inflammatoires, biphosphonates, IPP, statines, cortisone, bêtabloquants, vaccins…), les toxiques et les métaux lourds (mercure, plomb, aluminium…), une alimentation polluée, les radiations électromagnétiques. Tous ces éléments pourraient induire des maladies auto-immunes en trompant l’organisme avec des molécules étrangères ou des fragments de virus ou de bactéries semblables à certaines substances de l’organisme, avec, à la clef, la formation d’auto-anticorps ou la stimulation de gènes endormis.
La piste infectieuse
Cette piste semble omniprésente.
En effet, en permanence, de nombreux germes attaquent notre organisme. Ils franchissent la muqueuse intestinale lorsque l’intestin grêle est devenu perméable. Le système immunitaire offre une parade en induisant des anticorps et des lymphocytes qui éliminent les importuns. Mais il arrive que certaines bactéries possèdent une antigénicité commune avec le codage HLA (la Klebsiella pneumoniae et la spondylarthrite ankylosante, le Pseu-domonas aeruginosa et la sclérose en plaques, le Yersinia enterocolitica et la thyroïdite d’Hashimoto, le staphylocoque doré et le psoriasis). Ces bactéries peuvent se loger dans des endroits anormaux : le Chlamydia pneumoniae s’installe dans le cerveau et pourrait être une cause de la maladie d’Alzheimer. Ces infections bactériennes et virales, souvent silencieuses, vont épuiser le système immunitaire et favoriser le développement de certains auto-anticorps.
La piste du stress
Le stress représente un facteur majeur dans la survenue de maladies auto-immunes.
Rien d’étonnant lorsqu’on connaît les implications du stress sur le système immunitaire (via le système hormonal). C’est ainsi qu’un stress moyen ou une dépression induit une exacerbation de l’auto-immunité naturelle. Ne parle-t-on pas de psycho-neuro-immunologie ?
Rappelons que l’intestin est un deuxième cerveau avec les mêmes neurones et neuromédiateurs.
Interactions entre système immunitaire, système nerveux et système endocrinien.
On a mis en évidence des influences réciproques entre les cellules immunes, nerveuses et endocrines
• Action du système nerveux sur la réponse immunitaire : certains neuropeptides libérés au niveau des terminaisons nerveuses stimulent ou inhibent la réponse immune.
• Action des cellules immunes sur les cellules nerveuses : certaines cytokines, produites au cours d’une infection, provoquent la fièvre, la diminution de l’appétit, des troubles du sommeil.
Le système immunitaire intestinal
L’intestin grêle constitue un organe-clé du système immunitaire. La muqueuse du grêle sert de barrière entre le milieu intérieur de l’organisme humain et de dangereux facteurs de l’environnement : bactéries, aliments. Chez la plupart d’entre nous, la barrière joue mal son rôle et laisse passer trop de macromolécules. Certaines de ces substances sont nocives, et leur accumulation, en conjonction avec des facteurs héréditaires favorisants, va provoquer l’émergence de nombreuses maladies.
L’intestin représente un écosystème reposant sur un trépied fonctionnel : la flore intestinale, la muqueuse intestinale et le système immunitaire intestinal qui agissent en synergie et en symbiose. Ce trépied fonctionnel assure la fin de la digestion, l’assimilation, la reconnaissance des nutriments et la création de notre immunité intestinale qui représente notre “identité”.
Le système immunitaire constitue un ensemble coordonné d’éléments de reconnaissance et de défense, tel que les virus, les bactéries, les parasites, certaines particules ou molécules “étrangères”. Son but est de reconnaître ce qui appartient à l’individu, appelé le “soi”, de l’accepter et d’éliminer ce qui n’appartient pas à l’organisme, appelé le “non-soi”. Ce travail s’effectue à l’aide du système HLA ou Human Leucocyte Antigene.
L’imperméabilité du grêle
Même chez un sujet normal, l’étanchéité du grêle est imparfaite. Les petits peptides (les acides aminés) franchissent la barrière intestinale aisément. Des molécules plus volumineuses, en particulier des protéines (peptides plus grands), traversent la muqueuse en quantité faible, mais non négligeable. C’est ainsi qu’on a identifié, chez des individus sains, des protéines de l’œuf et du lait de vache dans le sang quelques heures après le repas. Un passage excessif de protéines alimentaires est responsable de la majorité des intolérances (lait de vache, gluten, levure du boulanger, ovalbumine…) et secondairement de beaucoup de maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, diabète sucré, maladie de Crohn).
L’industrie alimentaire, pour affronter une concurrence de tous les instants, développe sans cesse de nouvelles niches de marché. La composition des nouveaux produits qu’elle conçoit sans relâche est de plus en plus complexe et bien souvent allergénique. On en constate les effets pervers avec l’introduction systématique d’additifs et de contaminants protéiques. En effet, l’allergénicité des protéines provient de nombreuses technologies alimentaires : aromates et arômes industriels, mixages composites, addition de nombreuses épices, divers procédés de cuisson, etc.
La cuisson des aliments modifie la structure des protéines d’où une dé-structuration, puis une désorganisation aboutissant à une agrégation protéique ainsi qu’à des liaisons covalentes avec des lipides oxydés ou des produits dérivés des sucres. Dès qu’il y a cuisson et association d’aliments cuits divers, on assiste à la formation, par exemple, de molécules de Maillard. Ces dernières ne sont pas assimilables par l’organisme humain et donc pathogènes, puisque notre métabolisme ne les reconnaît pas.
La plupart des médicaments chimiques consommés sur une longue durée induisent une hyperperméabilité intestinale et un stress oxydant par production de radicaux libres oxygénés.
Dans ce cas et bien d’autres, il est nécessaire de renforcer l’apport en vitamine B3 pour satisfaire le fonctionnement des enzymes de détoxification, ce qui suppose la sollicitation du tryptophane. Rappelons que la vitamine B6, le tryptophane, la vitamine B3 et le calcium forment le véritable attelage immunomodulateur.
Certains aliments sont capables de provoquer des mutations dans les gènes et d’influencer le génome pour induire des effets délétères sur la santé du fait qu’ils sont considérés par nos cellules comme des substances étrangères, et donc voués à la phagocytose et à l’encrassage, au même titre que d’autres antigènes environnementaux. L’inflammation tissulaire consécutive est le fait de la production de cytokines pro-inflammatoires, en particulier les interleukines 1 et 6 (IL 1, IL 6), les TNF (Tumor Necrosis Factor, le facteur nécrosant les tumeurs). L’intestin n’échappe pas à cette inflammation généralisée (il est même en première ligne) et s’installe alors une hyperperméabilité intestinale progressive, associée à une carence en igA sécrétoire qui favorise et aggrave le passage de macromolécules immuno-allergisantes, provenant de la voie aérodigestive pour atteindre la circulation sanguine.
L’hyperperméabilité intestinale finit par fragiliser notre système de défense immunitaire et ce, tant que dure l’exposition à l’antigène.
Rappelons que la microflore intestinale permet la synthèse de la plupart des vitamines du groupe B, en particulier les vitamines B6 et B3 qui jouent un rôle essentiel au niveau de l’immunité :
La vitamine B6 confirme ainsi ses propriétés immunomodulatrices et son rôle dans l’induction des maladies de stress oxydant aux côtés de la vitamine B3.
Par ailleurs, le magnésium est indispensable à la transformation de toutes les vitamines du groupe B en coenzymes actives.
Pour assurer toutes les fonctions cellulaires, un ensemble de nutriments est nécessaire : des acides gras essentiels qui constituent la membrane cellulaire, des acides aminés pour le renouvellement cellulaire (glutamine, arginine…) et des molécules antioxydantes pour la protection cellulaire. L’ensemble de ces nutriments entretient la vitalité et le bon fonctionnement de la muqueuse intestinale.
Approche thérapeutique
On observe que dans toutes ces perturbations immunitaires l’intestin représente la plaque tournante. C’est ainsi qu’un protocole précis devra être instauré afin de corriger l’hyperperméabilité et d’aider l’organisme à restaurer et à maintenir une barrière intestinale saine.
• En premier lieu, il faut supprimer les agresseurs (agents pathogènes, intolérances alimentaires, Candida albicans, remèdes chimiques…)
• Eliminer l’inflammation et procéder à une détoxication générale et hépatique
• Réensemencer l’intestin avec des souches probiotiques adaptées
• Assurer un apport enzymatique
• Assurer un apport nutritionnel et micronutritionnel (enzymes digestives, vitamines, acides aminés, minéraux, antioxydants)
• Adopter un mode de vie sain (alimentation bio, activités physiques, gestion du stress…)
Dr Jean Pierre WILLEM
Le cerveau hyperconnecté d'Einstein peut expliquer son génie
Le cerveau d'Albert Einstein était doté d'hémisphères droit et gauche particulièrement bien connectés l’un à l’autre. Une piste pour expliquer son génie ?
HYPERCONNEXION. Telle est la conclusion d’une nouvelle étude menée par l’équipe de l’anthropologue Dean Falk de l’université de l’Etat de Floride et publiée dans la revue Brain.
La chercheuse n’en est pas à son coup d’essai. Début 2013 en effet, Dean Falk avait analysé 14 photographies inédites du cerveau du physicien qui avait été retrouvé au terme d’une saga rocambolesque. Et elle avait ainsi pu déterminer que le cerveau d’Einstein possédait un cortex préfrontal plus développé, ainsi que la partie inférieure des cortex moteur et somato sensoriel primaires plus étendue que la moyenne.
Comparé aux hommes normaux, le cerveau d’Einstein a un corps calleux plus développé
Aujourd’hui l’anthropologue s’intéresse plus particulièrement à certaines de ces photographies montrant la surface des hémisphères droit et gauche, où l’on distingue un élément crucial, le corps calleux, c’est à dire l’ensemble de fibres qui connecte les deux parties du cerveau.
« Les deux hémisphères gèrent différents types d’informations de différentes parties du corps, explique Dean Falk, et la communication à travers le corps calleux permet la coordination et la synthèse de cette information. »
En comparant ces images avec des clichés d’ IRM réalisés in vivo chez des gens ordinaires, 52 hommes de 26 ans (âge auquel Albert Einstein a publié quatre de ses articles majeurs) et 15 hommes plus âgés, Dean Falk fait alors cette étonnante découverte : comparé aux hommes normaux, le cerveau d’Einstein a un corps calleux plus développé.
Comparaison de l'épaisseur du corps calleux entre Einstein et le groupe contrôle composé de 15 hommes de plus de 26 ans. En haut, les hémisphères gauches et droits du génie. Le code couleurs révèle l'épaisseur du corps calleux : on constate davantage de jaune-rouge chez Einstein que chez les autres, signe d'un développement plus important. Crédit Men et al.
The cerebral cortex of Albert Einstein: a description and preliminary analysis of unpublished photographs, Brain 136(4):1304-27 and is reproduced here with permission from the National Museum of Health and Medicine, Silver Spring, MD.
"PAS EXCEPTIONNELLE". « Un corps calleux plus large peut être un bon indicateur d’intelligence car il suggère que les hémisphères droit et gauche d’Einstein étaient bien plus connectés que les cerveaux normaux, confirme la chercheuse. Ce qui n’a rien à voir avec la taille absolue du cerveau du reste. En effet, comme nous le discutons dans ce nouvel article, la taille du cerveau d’Einstein ne semble, elle, pas exceptionnelle pour son âge. »
Par Elena Sender - Sciences et Avenir
L'homme, une espèce unique qui passe quinze ans à construire son cerveau
"L'homme est une espèce unique parmi les êtres vivants qui passait la moitié de sa vie à construire son cerveau" à l'époque des premiers Homo sapiens, explique le neurobiologiste français Jean-Pierre Changeux dans un entretien avec l'AFP.
"A l'époque où l'homme est apparu, il passait dix à quinze ans à faire son cerveau", puis "il vivait dix à quinze années de plus avec ce bagage cérébral", souligne le scientifique, professeur honoraire au Collège de France.
C'est "une idée centrale" pour comprendre la relation entre les constituants de base de notre cerveau et ses fonctions supérieures, comme la conscience, insiste ce spécialiste qui a apporté dès 1970 une contribution essentielle à la connaissance du mécanisme de transmission de l'influx nerveux.
Maintenant, l'homme continue de passer "quinze ans de sa vie à construire un cerveau qui va être fonctionnel beaucoup plus longtemps".
Les 100 milliards de neurones du cerveau humain sont reliés par de multiples connexions, les synapses. Il y a autour d'un million de milliards de synapses dans un seul cerveau, avec quelque 10.000 connexions en moyenne pour chaque neurone d'adulte.
De la molécule chimique responsable de la communication entre cellules nerveuses à l'architecture globale accessible par l'imagerie cérébrale, plusieurs niveaux d'organisation se superposent.
La période des "imprégnations fondamentales" est celle de la formation-élimination des synapses, leur "épigénèse", selon le terme choisi par l'auteur de "L'Homme neuronal", livre-clé publié en 1983.
"On ne s'imagine pas qu'à chaque minute de la vie du bébé plus de deux millions de synapses se mettent en place", écrit-il près de vingt ans plus tard dans "L'homme de vérité". La naissance survient au milieu d'une "phase rapide" de création de connexions. Elles se multiplient par vagues successives, certaines sont sélectionnées et stabilisées, alors que d'autres sont supprimées lors de processus d'élagage.
"Cette épigénèse dure dix à quinze ans. Pendant cette période ce qui compte c'est l'interaction avec le monde extérieur et surtout la vie dans le groupe social qui se trouve intégrée dans la connectivité cérébrale", précise le neurobiologiste à l'AFP.
Dès les premiers jours de sa vie et même avant sa naissance, le cerveau du bébé "peut recevoir des empreintes du monde extérieur". Le foetus est déjà influencé par la voix de sa mère et peut même percevoir la musique. "Ces empreintes épigénétiques se développent de manière considérable après la naissance", relève le professeur Changeux.
Elles sont "très liées au milieu culturel dans lequel se développe l'enfant: la relation avec la mère, avec la famille, le langage parlé, la manière dont il est pris en charge", ajoute-t-il.
A 60 ans, dans ses choix, l'homme est encore "influencé par l'éducation, l'enseignement, l'expérience" reçues quand son cerveau s'est constitué. D'où, selon le neurobiologiste âgé de 75 ans, le risque de "dysharmonies" entre ce qui a été acquis durant l'enfance et l'adolescence, et "ce qu'on est à 60 ans".
Le cerveau de l'adulte conserve la possibilité de se réorganiser, mais "cette plasticité a des limites".
Autre aspect souligné par M. Changeux : il y a une grande variabilité dans le développement du cerveau, d'un individu à l'autre - y compris chez les vrais jumeaux dont les cerveaux ne sont pas identiques - et sur le plan des fonctions cérébrales elles-mêmes.
Il évoque ainsi le cas du dyslexique : "c'est un enfant qui va avoir des difficultés à apprendre à lire, à écrire, à utiliser l'orthographe, mais qui, pour des fonctions proprement cognitives, peut être tout à fait au dessus de la moyenne."
AFP - Le 15 octobre 2011
Qui décide de nos actions ?
Vient de paraître dans la revue Neuron, datée du 10 Février dernier, un article sur les corrélats neuronaux de la volonté et du libre-arbitre. Cet article reprend la vieille expérience de Benjamin Libet mentionnée au chapitre 10 du Cerveau Attentif ( Le Grand Stratège, voir l'encadré 'Quelle heure est-il ?' ). Cette expérience, rappelons-le, place le participant face à une sorte d'horloge dont l'unique aiguille fait le tour du cadran en deux secondes et demie. Le sujet a simplement pour consigne d'appuyer sur un bouton au moment de son choix, et d'indiquer après-coup où se situait l'aiguille lors de sa prise de décision, c'est à dire, pour reprendre l'expression des auteurs de l'article, au moment où le sujet a ressenti le besoin urgent d'appuyer ('felt the urge to'). L'étude est réalisée à Los Angeles par le groupe du neurochirurgien Itzaak Fried, l'une des seules équipes au monde enregistrant l'activité de neurones individuels chez l'homme, dans le cadre du traitement chirurgical de l'épilepsie.
Fried et ses co-auteurs ont découvert des neurones dont l'activité commence à varier plusieurs dixièmes de seconde avant la prise de décision consciente d'appuyer sur le bouton. C'est ce qu'indiquent les courbes rouges et bleues dans la figure ci-dessus. 'W' indique le moment de la prise de décision ( au temps zéro ), et les deux courbes de couleur représentent la variation progressive de l'activité neuronale avant W. Certains neurones voient leur activité augmenter ( courbe rouge ), tandis que d'autres la voient diminuer ( courbe bleue ). Et ce phénomène se produit dans des régions situées dans le lobe frontal, à la frontière entre les deux hémisphères, l'aire motrice supplémentaire ( 'SMA' ) et la région immédiatement antérieure ( 'pre-SMA' ), ainsi que dans le gyrus cingulaire ( notez bien que les codes couleurs des deux figures ne se correspondent pas : les neurones 'SMA' ne sont pas ceux dont l'activité diminue. Il existe dans toutes ces régions des neurones chargés de déclencher le mouvement et d'autres de l'inhiber ).
Il ressort de cette étude, selon ses auteurs, que la prise de décision d'appuyer n'est en fait qu'une réaction à l'augmentation - et la diminution - progressive de l'activité de certains neurones du lobe frontal. En d'autres termes, nous avons l'impression d'agir de notre plein gré et de façon libre, alors que nous ne faisons que réagir à ce bouillonnement neuronal interne qui, une fois franchi un certain seuil, nous contraint à appuyer. Une fois encore, les neurosciences nous mettent donc en garde contre la sensation sans doute exagérée de contrôle de soi. S'il existe des régions cérébrales chargées de ce contrôle, il ne faut pas oublier qu'elles sont en permanence soumises une très forte contrainte, non seulement de la part de l'environnement, mais aussi - c'est le message de cette étude - de la part des autres régions du cerveau.
Référence : Fried, I., Mukamel, R., & Kreiman, G. (2011). Internally Generated Preactivation of Single Neurons in Human Medial Frontal Cortex Predicts Volition. Neuron, 69(3), 548-562.
Source : Jean Philippe LACHAUX directeur de recherche à L'INSERM